La Télémédecine, serait elle une aubaine pour la tunisie

La Télémédecine, Serait Elle Une Aubaine Pour La Tunisie
La télémédecine est un vecteur d’informations permettant d’exporter l’expertise au lieu d’exporter les experts. Le système se définit volontairement en termes ouverts afin de considérer les évolutions futures. La technologie actuelle permet dans la majorité des cas une transmission suffisante de données pour une télémédecine efficace. Cette dernière ne modifie pas fondamentalement l’acte médical intellectuel traditionnel, elle permet de le réaliser dans des conditions et des situations qui améliorent l’accès aux soins, la qualité et la sécurité.

Le médecin agit «sous le contrôle de sa conscience et dans le respect des règles professionnelles». Il doit avoir accès à l’ensemble des informations médicales antérieures à la consultation, celles-ci étant fournies soit par le patient lui-même, soit par le médecin qui assiste le patient en sa qualité de médecin requérant, le médecin requis pour la téléconsultation devant également avoir la possibilité d’accéder au dossier médical informatisé du patient.

Le développement des spécialités médicales a réduit le champ de l’examen physique lors de la consultation spécialisée traditionnelle et dans plusieurs spécialités, un interrogatoire structuré et orienté par les données du dossier médical du patient, permet de réaliser un acte intellectuel d’excellent niveau, notamment chez les patients suivis pour des maladies chroniques.

Nous pensons que la télémédecine n’est qu’une nouvelle forme d’exercice de la médecine, lequel exercice est déjà organisé par la Loi n°91-21 du 13 mars 1991 et par le code de déontologie médical et c’est dans ce cadre là qu’il faudra préciser les modalités d’exercice de cette télémédecine.

La télémédecine peut rendre service aux patients et aux professionnels de la santé qui les prennent en charge, mais ce service, a un coût qui doit être évalué par rapport aux bénéfices estompés en termes de santé publique. Ces derniers doivent prendre en compte l’amélioration de l’accès aux soins, la prévention, le maintien à domicile et la qualité de vie des malades.

Définition :

La télémédecine se définit comme étant une des formes de coopération dans l’exercice médical, mettant en rapport à distance, grâce aux technologies de l’information et de la communication, un patient (et/ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologie médicale.

L’acte de télémédecine constitue un acte médical à part entière quant à son indication et sa qualité pour l’ordre il est nécessaire de compléter la définition par une typologie des actes considérés :

• La téléconsultation

Pour qu’il y ait téléconsultation, il faut que le patient puisse voir le médecin requis et dialoguer avec lui de manière compréhensive et confidentielle. Il en découle des équipements nécessaires à une téléconsultation, de qualité optimale, mis à la disposition des médecins, notamment par les établissements de santé ou autres institutions professionnelles. Les conditions privatives et confidentielles du dialogue singulier sont requises et tout autre personnel de santé assistant à la téléconsultation est tenu au secret professionnel. La téléconsultation s’effectue naturellement en relation avec le patient. Elle s’exerce dans deux types de situations, le cas le plus répandu concerne la régulation médicale par le SAMU, le médecin contacté par téléphone établit le diagnostic de gravité et prend la décision d’orientation du patient. La téléconsultation trouve son intérêt également pour les sites isolés ou mobiles (prisons, navires) et là le patient est assisté par un médecin ou un autre professionnel de santé qui exposent le cas pour avis spécialisé. Ce mode de téléconsultation est actuellement évalué en gériatrie, et dans le cadre de l’hospitalisation à domicile.

• La téléassistance médicale

Correspond à un acte au cours duquel un médecin assiste techniquement un confrère à distance. L’application la plus médiatisée, en matière de télé assistance médicale, est représentée par la télé chirurgie, et là l’acte médical piloté à distance par un médecin est illustré par la télé chirurgie. La télé assistance chirurgicale à distance a de multiples applications, allant de la formation des jeunes chirurgiens à la réalisation de véritables actes de soins.

Elle est appelée à se développer dans les prochaines années pour des actes qui nécessitent la réunion à distance de plusieurs compétences chirurgicales.

La télé chirurgie vise aussi à définir la place de la robotique dans l’acte chirurgical, notamment en microchirurgie cancérologique viscérale et elle pourra à terme améliorer la performance de certains actes réalisés aujourd’hui par cœlioscopie. La télé assistance d’un manipulateur de radiologie isolé dans un établissement démuni de spécialistes sur place pendant les gardes par exemple en lui apportant l’aide d’un radiologue nécessaire à la réalisation d’un scanner, d’une IRM ou simplement d’une échographie.

La télé assistance d’un professionnel de santé médecin ou non médecin peut suivre une téléconsultation en neurologie afin de réaliser à distance une fibrinolyse chez un patient qui présente un AVC en attendant son transfert vers une unité neuro-vasculaire.

Elle peut se concevoir aussi en néphrologie pour aider une infirmière à conduire une séance de dialyse, ou en psychiatrie pour aider un patient au cours d’une téléconsultation spécialisée, ou aux urgences pré-hospitalière pour aider un professionnel de santé qui assiste une victime ou un patient en attendant l’arrivée d’un médecin.

Dans ces conditions, la télé assistance peut être optimisée par l’usage de la visioconférence surtout si elle vient en relais d’une téléconsultation ou d’une télé expertise.

• La télé expertise
Concerne un échange professionnel entre deux ou plusieurs médecins, soit par la concertation entre médecins, soit par la réponse d’un « médecin distant » sollicitée par le médecin en charge directe du patient. Elle n’est pas de nature intrinsèquement différente de la consultation spécialisée ou du deuxième avis. Elle ne s’en distingue que parce qu’elle s’effectue par la transmission électronique de données cliniques, biologiques et/ou d’imagerie et non pas par le déplacement du patient ou du « médecin distant ». La télé expertise est un exercice collectif de la médecine.

• La télésurveillance

Se distingue de la téléconsultation en ce sens qu’elle concerne un patient déjà connu par le médecin ou l’équipe soignante. Elle résulte de la transmission d’un ou plusieurs indicateurs physiologiques recueillis soit par le patient lui même, soit par un autre professionnel de santé, soit par un auxiliaire de santé. Le médecin interprète ces données à distance et modifie la prise en charge, le cas échéant

La télésurveillance apporte des réponses adaptées au suivi de la plupart des maladies chroniques en évitant la multiplication des actes de consultation traditionnelle, en raccourcissant la durée des hospitalisations et leur caractère répétitif. Ce nouveau mode de prise en charge peut se révéler être plus efficient que le suivi traditionnel qui repose aujourd’hui sur des consultations périodiques et souvent courtes auprès du médecin traitant, pouvant se limiter parfois au seul renouvellement d’ordonnance.

L’ordre des médecins attire cependant l’attention sur l’analyse simpliste qui consiste à associer trop directement pratique de la télémédecine et zones appauvries en offre de soins. La médecine à distance doit bénéficier à tout patient, y compris en zone bien dotée, dès lors qu’elle est justifiée, notamment pour un diagnostic difficile.

La télémédecine doit répondre à un besoin d’égalité d’accès aux soins et de l’amélioration de leur qualité et sécurité surtout qu’elle a l’avantage de raccourcir le temps d’accès et d’améliorer ainsi les chances d’un patient éloigné d’une structure de soins.

Les droits des patients s’imposent de la même manière dans les situations de télémédecine que dans le cadre classique et habituel des soins. La relation par télémédecine entre un patient et un médecin, même dans l’exercice collectif de la médecine, doit être personnalisée, c'est-à-dire reposer sur une connaissance suffisante du patient et de ses antécédents et son consentement à ce nouveau mode d’exercice doit être obtenu. Le secret professionnel doit être garanti, ce qui oblige à un dispositif d’échange et de transmission qui soit parfaitement sécurisé.

Les obligations des médecins dans le contexte d’une pratique de la télémédecine résultent de l’application des règles communes de la déontologie médicale et il convient également de définir le champ de responsabilité de chaque professionnel participant à l’acte de télémédecine. Enfin, il faut garantir la mise en œuvre de bonnes pratiques dans la communication à distance, tant pour ce qui est du recueil des données personnelles de santé du patient, leur transmission et leur traitement, que pour ce qui concerne les dispositifs technologiques.

La télémédecine doit se réaliser avec un dispositif technologique fiable dont les médecins sont en partie responsables, en revanche, il faut refuser d’utiliser la télémédecine si la technologie est incertaine et si elle expose plus au risque d’erreur médicale.

L’ordre rappelle qu’en télémédecine, comme pour tout acte médical, chaque intervenant exerce dans le cadre des compétences attribuées à chaque profession dont l’exercice légal est réglementé. C’est dans ce cadre que le médecin comme tout professionnel de santé assume une responsabilité propre et une responsabilité solidaire. Ces responsabilités s’exercent d’abord vis-à-vis du patient pris en charge mais sont également partagées avec des confrères, d’autres professionnels de santé et des professionnels techniques avec lesquels le médecin coopère.

Cette boucle de télémédecine doit être centrée sur le patient qui doit librement y consentir. En particulier, en donnant un rôle central à l’échange informatisé d’informations, la pratique de la médecine à distance majore les contraintes de sécurité relatives à la confidentialité des données médicales.

Supports juridiques de la télémédecine

Deux questions qui se posent : quel statut pour les équipements technologiques et le contexte juridique et déontologique actuel y est-il favorable ?

Tout acte de télémédecine doit s’exercer dans un cadre formalisé, matérialisé par un contrat, comportant un protocole médical et technique de mise en œuvre et une description des relations entre les partenaires impliqués, ainsi qu’entre ces derniers et le patient. Le professionnel de santé qui participe à un acte de télémédecine doit être légalement habilité à exercer la profession en Tunisie et c’est aux organisateurs de la télémédecine de veiller au respect de cette obligation.

Un texte de loi et des décrets d’application devraient être élaboré en concertation entre le ministère de la santé, les industriels spécialisés, les associations de patients et les associations de professionnels de santé sachant que tout contrat ou convention concernant la pratique médicale devra être soumis au conseil de l’ordre des médecins territorialement compétentes pour avis et visa.

Il est aujourd’hui urgent et indispensable d’accélérer la mise en œuvre des composantes essentielles de ce système : identifiant de santé du patient, dossiers médicaux professionnels communicants à l’hôpital comme en ambulatoire, messageries sécurisées, voire des plates formes de services aux professionnels avec un système d’information de qualité pour contribuer à sécuriser les applications de télémédecine et espérer voir se développer cette télémédecine dans notre pays.

La réalisation d’un acte professionnel par télémédecine doit être reconnue et valorisée pour tous les médecins et autres professionnels qui y participent et ne doit pas s’apparenter à une pratique de dichotomie ou de compérage. Ensuite, c’est dans la pratique que les différents acteurs réaliseront le bien-fondé ou la nécessité de changement des différents paramètres et si la télémédecine nous offre sur le plateau de la technologie une extension de notre potentiel d'action au service de nos patients, rien ne remplacera le contact direct entre le patient et son médecin et la simple présence du praticien est déjà le début du traitement.

La pérennité des activités exige que les participants puissent assumer les frais de fonctionnement de ces outils et notamment les frais de connexion internet et de soutien technique. L'exercice de la télémédecine se prête davantage à une rémunération au forfait qu'à une rémunération à l'acte, notamment pour la télésurveillance médicale. De même, la téléconsultation et la télé-expertise sont des exercices collaboratifs où plusieurs professionnels de santé participent à l'acte.

La rémunération à l'acte individuel n'est donc plus appropriée. Il faudra discuter la nécessité de partager les rémunérations de l'acte de télémédecine entre les professionnels de santé impliqués. Les expériences pilotes qui seront retenues dans les régions sous le contrôle des directions régionales de santé vont tester de nouveaux modes de rémunération. Il faut donc que les nouvelles organisations structurées par la télémédecine soient stabilisées pour en définir un mode de rémunération pérenne et éventuellement le prévoir dans la nomenclature des actes professionnels.

Dr. Slim Ben Salah

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